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Premier ministre Jens Stoltenberg

Allocution devant le Parlement, concernant l’application par la Norvège des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

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Published under: Stoltenberg's 2nd Government

Publisher: Office of the Prime Minister

Parlement norvégien, Oslo, 29 mars 2011

                                                                  Communiqué de presse en francais

M. le Président,

La Norvège participe aux opérations militaires visant l’application de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU, concernant l’embargo sur les armes, la zone d’interdiction aérienne et la protection des civils en Libye.

Nos avions F16 sont en action depuis jeudi dernier. Quelque 120 militaires norvégiens, hommes et femmes, ont été déployés en Crète pour soutenir l’opération.

Les sanctions adoptées par le Conseil de Sécurité à l’encontre de la Libye ont été intégrées à la législation norvégienne. L’Union européenne œuvre à renforcer encore ce régime de sanctions.

Nous avons fourni 50 millions de couronnes en vue d’alléger la situation dramatique sur le plan humanitaire qui frappe le flux des réfugiés.

Le Ministre des Affaires étrangères se trouve aujourd’hui à Londres, pour examiner les défis politiques liés à la crise libyenne et mettre en place une superstructure reliant les pays qui participent à cette large coalition.

M. le Président,

La Norvège participe, en d’autres termes, à l’application de tous les points que comptent les résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité de l’ONU à propos des événements de Libye :

Sur les plans politique, humanitaire, économique et militaire.

Notre engagement se fonde sur une ligne appliquée de longue date à la politique étrangère norvégienne, celle du soutien à un ordre mondial placé sous l’égide des Nations Unies, où l’usage des armes est régi par le Pacte des Nations Unies et les mesures du Conseil de Sécurité.

L’objectif de ce recours à la force est clairement élucidé dans ladite résolution :

Il s’agit d’assurer la protection des civils.

Le texte ouvre la porte à la mise en œuvre de « tous les moyens nécessaires » pour protéger la population civile.

Pour la première fois, le Conseil de Sécurité évoque à titre de principe la « responsabilité d’une protection » dans le contexte d’une intervention militaire.

On ne saurait invoquer les affaires intérieures d’un pays lorsque des agressions massives sont perpétrées contre la population civile. 

Cette résolution a donc un caractère historique.

Dans le même temps, il est important de souligner ce qui suit :

Les attaques armées de grande envergure lancées contre la population libyenne par le régime de Kadhafi, et le conflit ouvert qui a éclaté entre ce régime et l’opposition ont placé la communauté mondiale devant une tâche extrêmement délicate :

Comment protéger les civils tout en contribuant à solution politique et pacifique ?

La résolution exclut le recours à des forces d’occupation étrangères sur le sol libyen. A cette réserve près, le texte légitime l’usage d’une large gamme de moyens d’action.

Mais même ce mandat très large ne fournit aucune garantie de pouvoir parvenir à une solution rapide.

Nous devons avoir conscience du fait que cette opération pourrait être longue et difficile.

L’usage des armes ne conduit pas, en soi, à une solution politique permettant de résoudre les conflits complexes auxquels nous assistons en Libye.

Disons-le : en soi, l’intervention militaire comporte un risque d’aggravation de ce genre de conflits.

Aussi le seuil du recours aux armes dans le cadre des relations internationales doit-il être placé très haut.

M. le Président,

Dans le cas de la Libye, la communauté mondiale s’est trouvée face à plusieurs options qui étaient loin d’être parfaites.

De toute évidence, la plus mauvaise de toutes eût été de ne pas agir.

Le Conseil de Sécurité disposait d’informations nourries établissant qu’une situation d’urgence extrême se profilait au sein de la population civile libyenne.

Un dirigeant autoritaire répondait à des protestations pacifiques par des tirs à balles réelles et par l’usage d’armes lourdes, et le monde en était témoin.

La situation évoluait vers la guerre civile. Le colonel Kadhafi déclarait sans ambiguïté que son intention était d’écraser l’opposition à l’issue d’un combat sans merci.

Les forces du régime, supérieures en termes militaires, étaient parvenues jusque dans les faubourgs de la deuxième ville du pays, Benghazi, devenue le bastion de l’insurrection.

La décision du Conseil de Sécurité et le choix résolu de l’intervention militaire ont probablement fait obstacle à des attaques massives contre les civils.

M. le Président,

La Norvège félicite le Conseil de Sécurité de l’ONU d’avoir pris ses responsabilités.

Il y a lieu de se réjouir que cette instance soit en mesure de prendre des décisions d’aussi grande envergure sans qu’aucune des puissances investies d’un droit de veto en ait fait usage, ni qu’aucun des membres du Conseil ait émis un vote négatif.  

A une époque où sont volontiers remises en cause l’efficacité des institutions des Nations Unies et leur aptitude à prendre des décisions difficiles, il est très positif que l’ONU ait montré sa capacité d’action face à la crise libyenne.

Ceci confirme le rôle central qui revient à l’ONU lorsqu’il s’agit du maintien de la paix et de la sécurité à l’échelle internationale.

La Norvège a formulé une mise en garde contre l’idée que la zone d’interdiction aérienne puisse, en soi, résoudre les conflits libyens.

Nous avons œuvré en faveur de solutions d’ensemble, qui allient le recours aux forces armées et des lignes directrices claires pour la recherche d’une résolution politique et humanitaire du conflit.

La résolution du Conseil de Sécurité a bien pris en compte l’objectif principal qui était le nôtre. C’est pourquoi la Norvège a donné son soutien immédiat à cette résolution, dès le 17 mars au soir.

Deux jours plus tard, au cours de la réunion au sommet qui s’est tenue à Paris, et à laquelle ont largement participé les États et les organisations engagés sur cette question, j’ai annoncé que la Norvège était prête à apporter sa contribution aux opérations militaires destinées à protéger les civils.

L’atmosphère de cette réunion a été marquée par l’urgence d’une situation qui évoluait d’heure en heure.

Si les troupes kadhafistes avaient réussi à entrer dans Benghazi, la capacité d’action des forces aériennes aurait été minime.

Il fallait arrêter l’assaut contre Benghazi quand il en était encore temps.

Une absence d’intervention aurait pu avoir des conséquences catastrophiques pour la population civile.

A la suite du sommet de Paris, la Norvège a participé aux réflexions internes du cercle des États qui assument l’application de la résolution.

Lorsque les Nations Unies s’engagent dans des missions difficiles, la Norvège doit répondre par sa présence, fournir sa contribution et prendre sa part de responsabilité.

M. le Président,

Les appareils norvégiens opèrent ces jours-ci à partir de la même base aérienne que les avions de chasse du Qatar.

Le soutien appuyé d’un certain nombre de pays du monde arabo-africain a été déterminant lors de l’adoption de la résolution du Conseil de Sécurité.  

La Ligue arabe a exprimé en termes très clairs le vœu que la communauté internationale intervienne et que soit prononcée une interdiction de survol de la Libye.

Les trois pays africains membres du Conseil de Sécurité ont voté en faveur de la résolution.

La coalition des États qui soutiennent l’application du texte s’est étoffée, incluant désormais plusieurs pays de la région.

Cette coalition est donc large.

En revanche, pour pouvoir coordonner une mission aussi complexe, le commandement militaire chargé de la réalisation des opérations militaires doit être resserré, agir avec clarté, sobriété et compétence.

Ces instances de commandement et de contrôle ont respecté les conditions auxquelles nous avions soumis la participation militaire norvégienne. Nous contrôlons totalement l’usage qui est fait de notre contribution militaire.

La loi norvégienne et les devoirs émanant du droit international sont les bases sur lesquelles se fonde l’action des forces engagées par notre pays, nos personnels militaires relevant, dans ce cadre, de la juridiction nationale.

Nos avions de combat sont d’abord intervenus dans le cadre de l’opération Aube de l’Odyssée, dirigée par les États-Unis.

A la suite de la décision prise par l’OTAN dimanche soir, ces avions passeront dès demain sous le commandement établi et bien rodé des forces du Pacte atlantique.

L’OTAN portera ainsi la responsabilité principale de tous les volets de l’action militaire destinée à mettre en application la décision du Conseil de Sécurité.

Du point de vue politique, la coalition reste aussi large qu’auparavant.

L’engagement de l’OTAN s’inscrira dans le cadre d’une large coopération internationale agissant pour la mise en œuvre de la résolution sous tous ses aspects.

M. le Président,

Il est important que cette action militaire bénéficie d’un large soutien de la part des pays voisins de la Libye. La Norvège utilise le réseau dont elle dispose au Moyen-Orient et en Afrique pour maintenir un contact permanent avec la Ligue arabe, l’Union africaine et les pays de cette région du monde.

Les réunions qui se déroulent aujourd’hui à Londres sont importantes pour l’examen de la situation telle qu’elle se présente actuellement sur le terrain, pour déterminer la suite des mesures à prendre en vue d’appliquer la décision du Conseil de Sécurité, et pour la recherche de possibles voies de résolution politique.

Il est également essentiel de mettre en place une superstructure politique qui assure le suivi global et la coordination de l’action internationale en Libye.

Il ne fait aucun doute que l’usage de la force militaire par des pays occidentaux dans un pays arabe soit de nature à susciter des émotions.

La forte réaction populaire qu’a provoquée l’invasion de l’Irak reste vivace dans le monde arabe.

La coalition qui assume l’application de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité représente un cercle de pays beaucoup plus large, et bénéficie aujourd’hui d’un appui fort dans la région.

Nous constatons que ces opérations sont saluées dans le monde arabe.

C’est un fait compréhensible, puisque l’objectif de la résolution est d’aider à protéger les civils contre les agissements d’un dictateur brutal - et ce en un moment historique où les populations de cette région se soulèvent, pays après pays, contre des dirigeants despotiques, pour exiger que soient respectés les principes de la démocratie et les droits de l’homme universels.

Tel est l’arrière-plan sur lequel se déroulent les événements dramatiques que connaît aujourd’hui la Libye. La vague de révolte populaire et de changement qui déferle sur le monde arabe.

En Tunisie et en Égypte, des dirigeants autoritaires se sont retirés face à l’insurrection.

L’armée a choisi de prendre le parti du peuple. Ces pays se sont engagés sur la voie exigeante de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme – nous devons faire ce qui est en notre pouvoir pour les soutenir.

Dans d’autres pays de la région, comme en Syrie ou au Bahreïn, des soulèvements populaires sont réprimés avec une violence brutale.

Au Yémen, l’adhésion autour d’un président jouissant de pouvoirs autocratiques depuis plusieurs décennies est en train de se déliter.

En Arabie Saoudite et dans plusieurs autres pays arabes, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour réclamer des réformes politiques et sociales.

Nous condamnons le recours à la violence et demandons que soient trouvées des solutions pacifiques par le biais du dialogue politique et de réformes démocratiques.

L’épilogue du drame qui se joue en ce moment sur la scène arabe ne nous est pas encore connu.

Nous espérons que ces événements de l’année 2011, quand le moment sera venu de les jauger au regard de l’histoire, soient au monde arabe ce que les bouleversements spectaculaires de 1989 ont été à l’Europe.

M. le Président,

Par la résolution 1970 adoptée à l’unanimité, le Conseil de Sécurité a demandé à la Cour pénale internationale de diligenter une enquête en Libye, afin de mettre au jour les possibles crimes contre l’humanité que pourraient constituer les attaques perpétrées par le régime.

La Cour pénale internationale a commencé son travail préparatoire, et doit présenter son rapport au Conseil de Sécurité avant la fin du mois d’avril.

Une part importante de la communauté internationale considère qu’en lançant l’armée contre son propre peuple, le Colonel Kadhafi a perdu sa légitimité de dirigeant, et qu’il doit se retirer.

Tel est aussi l’avis de la Norvège.

M. le Président,

La Libye est confrontée à une crise humanitaire très grave.

La prolongation du conflit armé et de situations relevant de la guerre civile risque de générer une aggravation supplémentaire.

Il en va sur ce point de la responsabilité de la communauté internationale, puisque le but de notre engagement est précisément de protéger les civils.

Les organisations humanitaires internationales n’ayant toujours pas accès aux régions du pays restées sous le contrôle des autorités, il est très difficile de parvenir jusqu’à des groupes qui ont besoin de notre aide.

Barrer la voie à ces organisations est en outre une violation grave du droit humanitaire.

Mais des difficultés existent aussi dans des zones contrôlées par les insurgés, et les combats en cours ont rendu encore plus précaire l’accès aux populations en détresse.

Près de 400 000 personnes ont fui la Libye – pour la plupart des ressortissants étrangers.

Plus de 75 000 ont déjà reçu l’aide nécessaire pour regagner leurs pays d’origine.

Il est à escompter que le flux des réfugiés se poursuive tant que dureront les combats.

La contribution de 50 millions de couronnes versée par la Norvège a été affectée à l’aide aux personnes massées dans les régions frontalières, à l’évacuation des ressortissants étrangers, aux soins médicaux d’urgence et à d’autres formes d’assistance humanitaire.

La Norvège œuvre à faire en sorte que les mesures humanitaires soient considérées comme plus hautement prioritaires, et le temps presse, qu’il s’agisse de l’accès des organisations aux populations concernées, du respect des principes humanitaires, ou de la mobilisation d’appuis politiques et de moyens financiers pour les nécessaires efforts dans ce domaine.

Je me félicite que l’UE se soit résolument engagée sur ce terrain. C’est un choix qui a également de l’importance pour la cohésion de la coalition

Les objectifs humanitaires occupent une place centrale dans la décision du Conseil de Sécurité, et ils ont influé de manière décisive sur les adhésions à la résolution. Il y a lieu d’exiger que les belligérants de ce conflit armé respectent totalement, de part et d’autre, le droit humanitaire et les droits de l’homme.

Comme fréquemment dans les situations de conflit ou de crise, les femmes et les enfants sont touchés dans une mesure disproportionnée.

Les situations chaotiques que génèrent les flux de populations en fuite exposent particulièrement les femmes à des risques, notamment celui de violences sexuelles systématiques.

Il est capital, dans le cadre de notre action humanitaire, que nous prenions en compte les besoins particuliers des femmes et des enfants.

M. le Président,

Notre attention doit à présent se porter davantage sur les processus politiques en cours.

La question libyenne était le premier sujet à l’ordre du jour des réunions de l’Union africaine qui se sont tenues la semaine dernière à Addis Abeba, et auxquelles la Norvège a participé, entre autres nations extra-africaines.

La Norvège soutient le travail qu’effectue l’UA pour mettre sur pied un processus politique qui respecte les aspirations démocratiques du peuple libyen, tout en préservant l’unité du pays.

La Ligue arabe s’est elle aussi mise à l’œuvre. Aux yeux de la Norvège, il est de toute première importance que ces organisations régionales assument, avec les pays voisins de la Libye, une part de responsabilité essentielle dans le traitement de cette question.

La communauté internationale doit travailler à rendre possible l’instauration d’un cessez-le-feu, le retrait des forces militaires et l’ouverture du pays aux organisations humanitaires. Il faut initier un processus politique de réconciliation et de réformes à grande échelle.

C’est aux Libyens eux-mêmes que revient la responsabilité de l’évolution politique de leur pays.

Les solutions politiques applicables doivent avoir un ancrage en Libye.

La société de ce pays est de nature clanique et marquée par les oppositions régionales. Mais les différents constituants de cette société ont en commun de devoir trouver leur avenir à l’intérieur des cadres qui sont ceux de la Libye.

Le processus de négociation devra se construire autour de cette perspective. Il devra donc être inclusif.

Plus les actes de guerre dureront, plus faibles seront les espoirs de parvenir à une stabilité durable.

Une situation de guerre civile ou une évolution dans le sens de l’effondrement de l’état auraient des conséquences désastreuses pour la population civile. Il en résulterait une instabilité dangereuse pour l’Afrique du Nord et les pays voisins de la Libye.

Précisément pour parer à ce risque, il convient que les organisations régionales de cette zone géographique jouent des rôles de premier plan lors des prochaines étapes du processus.

Les autres partenaires de la coalition devront faire preuve de respect, et soutenir ces processus régionaux sans tenter de les chapeauter. Dans le même temps, nous devrons veiller à ce que tous les acteurs impliqués s’appuient sur la résolution du Conseil de Sécurité.

M. le Président,

Durant les dernières semaines, les armes ont eu la parole en Libye.

Les forces internationales sont parvenues à faire appliquer l’embargo sur l’armement et la zone d’interdiction de survol aérien.

Nous avons affaibli de manière conséquente le régime militaire.

Nous avons réussi à empêcher des attaques contre la population civile.

Des vies ont été sauvées.

La mise en œuvre d’une action militaire et la contribution des avions de combat norvégiens étaient donc justifiées.

Mais une grande incertitude demeure quant à la suite des événements.

Les combats se poursuivent et la situation militaire n’est pas clarifiée.

Les populations civiles restent en danger.

Notre mission n’est par conséquent pas achevée.

M. le Président,

Permettez-moi de conclure en exprimant notre commune reconnaissance à l’égard des femmes et hommes de notre pays qui ont assuré cette mission sous l’uniforme. Ils sont bien entraînés, munis d’équipements modernes, et leur action est bien coordonnée avec celle de nos alliés.

La manière dont notre Défense a su répondre à ce défi appelle le plus grand respect. Ceci montre que nous avons réussi la reconversion en une armée d’action ponctuelle, capable d’organiser et de déplacer rapidement ses effectifs et ses matériels, pour répondre à des missions exigeantes et d’un type nouveau.

Je salue le courage et le sens des responsabilités dont nos militaires ont fait preuve ces derniers jours.

Ceux qui prennent part en ce moment à l’effort mené pour protéger les populations civiles de Libye se tiennent, dans notre esprit, aux côtés des quelque 500 militaires qui effectuent leur difficile mission en Afghanistan, comme dans le cadre des autres opérations internationales auxquelles participe la Norvège.

Nous sommes fiers de leur action. Qu’ils se sachent portés par notre soutien le plus entier.