Historisk arkiv

Soutien international au moratoire sur les armes legeres en Afrique de l'ouest

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Publisert under: Regjeringen Bondevik I

Utgiver: Utenriksdepartementet

Ministre du Développement international et des Droits de l’Homme de Norvège Hilde F. Johnson

SOUTIEN INTERNATIONAL AU MORATOIRE SUR LES ARMES LEGERES EN AFRIQUE DE L’OUEST

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Réunion des Ministres des Affaires Etrangères de la CEDEAO sur les Modalités du Programme de Coordination et d'Assistance pour la Sécurité et le Développement en Afrique de l'Ouest (PCASED), Bamako, le 24 mars 1999

Discours liminaire du Ministre du Développement international et des Droits de l'Homme de Norvège Hilde F. Johnson

Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président de la République du Mali,

L’une des expériences les plus pénibles et choquantes que j’ai vécues l’année dernière était une rencontre avec des anciens membres de l’Armée de résistance du Seigneur en Ouganda. Des enfants qui, après avoir été enlevés, avaient subi un lavage du cerveau et avaient été forcés de tuer un membre de leur propre village, voire de leur propre famille. Ce sont des enfants qui, pour le restant de leur vie, auront à faire face à leurs pénibles souvenirs des souffrances qu’ils ont infligées à d’autres personnes.

La prolifération des petites armes est aujourd’hui l’un des facteurs qui rend possible l’application d’une telle stratégie et l’exploitation cynique des enfants par ce genre de mouvement. La technologie moderne fait que ces armes sont faciles à manier et à porter, ce qui facilite d’autant plus le recrutement d’enfants.

L’utilisation et l’abus des enfants soldats sont parmi les aspects les plus grotesques du thème traité ici aujourd’hui, et il est d’autant plus important. Nous avons le devoir d’empêcher qu’encore d’autres enfants dans d’autres parties du monde connaissent le même sort et les mêmes traumatismes que ces enfants enlevés par des organisations telles que l’Armée de résistance du Seigneur.

Nous savons que le nombre de personnes tuées aujourd’hui par les armes légères, peu onéreuses, dépasse de loin le nombre de victimes tuées par des armes du type utilisé traditionnellement lors d’opérations militaires. Leur utilisation incontrôlée peut entraîner des atrocités généralisées et des violations des droits de l’homme. Nous avons constaté un accroissement du nombre de victimes civiles; ils atteignent 90 pour cent dans des conflits que nous connaissons actuellement. Les plus faibles, les femmes et les enfants sont les plus durement touchés.

Le conflit armé est un obstacle majeur aux efforts pour promouvoir le développement de la société. Sur les 38 pays les plus pauvres du monde, 20 sont impliqués dans un conflit armé. Les conflits armés sont aujourd’hui plus fréquents à l’intérieur des pays qu’entre pays. Dans la période de 1986 à 1989, sur un total de 101 conflits armés, 6 seulement étaient des conflits entre pays, les autres étant des guerres civiles de type divers. Une vaste propagation des petites armes favorise le recours à la violence pour régler les conflits, et rend en même temps plus difficile le règlement des conflits existants. Sans paix et stabilité, il est difficile de développer la société. Sans développement, il est souvent impossible de régler les problèmes qui sont à l’origine de la violence.

C’est par conséquent un grand plaisir pour moi d’assister à cette réunion. Je soutiens pleinement l’approche globale de la sécurité et du développement. L’accumulation incontrôlée d’armes légères constitue une menace pour la sécurité humaine dans de nombreux pays, en Afrique de l’Ouest comme ailleurs. Une vision intégrée est donc indispensable.

Le Mali est l’endroit idéal pour le lancement du Programme de Coordination et d’Assistance pour la Sécurité et le Développement en Afrique de l’Ouest (PCASED). Le troisième anniversaire de la Flamme de la Paix à Tombouctou constitue une occasion tout à fait appropriée pour cet événement. C’est en effet ici, au Mali, que tout a commencé, avec le programme de démobilisation, de réduction d’armes et de réintégration dans le nord du Mali. Depuis, celui-ci s’est transformé en moratoire sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères dans toute la sous-région et c‘est ce que nous sommes venus célébrer aujourd’hui. De fait, un grand nombre de concepts propres au moratoire de la CEDEAO et au mécanisme de mise en place par l’ONU ont d’abord été testés dans le nord du Mali.

  • La Flamme de la Paix fut à l’origine de l’approche “sécurité d’abord”, basée sur la prise de conscience du fait qu’il est impossible de faire face aux besoins de développement sans améliorer simultanément la sécurité des peuples concernés.
  • La Flamme de la Paix était aussi une tentative inédite d’encourager les gens à déposer leurs armes à titre volontaire en échange de programmes de développement communautaires.

Nous avons l’obligation morale de soulager les souffrances humaines provoquées par les petites armes et d’oeuvrer pour un contrôle accru de ces armes. Nous tous, représentants de gouvernements, des Nations Unies, des organisations régionales comme la CEDEAO ou de la société civile, nous avons un rôle à jouer dans ces efforts.

Je salue donc la décision courageuse prise par l’ensemble des 16 pays de la CEDEAO. Leur initiative est unique et repose sur des mesures pratiques et efficaces. Le moratoire arrêtera le flux d’armes légères et facilitera la collecte des armes de surplus, dans le cadre plus large du développement. Je rends tout particulièrement hommage au Président du Mali, S. E. Alpha Oumar KONARE et au peuple malien. Sans leur approche inédite et courageuse, sans leurs efforts répétés, nous ne serions pas ici aujourd’hui.

Le gouvernement norvégien est fier d’avoir participé à cette initiative dès le départ. Nous avons apporté environ 2,5 millions de dollars au programme de démobilisation et de réintégration dans le nord du Mali. En avril dernier, nous avons organisé en Norvège une réunion internationale sur la proposition de moratoire, dans le cadre de la visite de S. E. le Président KONARE. Nous avons été encouragés par le large soutien exprimé en faveur de l’initiative, tant par des pays occidentaux producteurs d’armes que par des pays d’Afrique de l’Ouest. La Norvège a été le premier pays à s’engager à fournir des fonds au moratoire, et nous avons donné 1 million de dollars avant même que celui-ci ne soit formellement proclamé.

Je suis heureuse de voir que plusieurs autres pays ainsi que les Nations Unies ont décidé d’apporter des fonds pour la mise en place du moratoire. Je suis néanmoins préoccupée par l’écart considérable qui subsiste encore entre les fonds qui ont été promis et ceux qui sont nécessaires au financement intégral du PCASED. La Norvège sera parmi ceux qui vont parrainer une réunion internationale le 5 mai prochain à Genève, afin de donner des informations sur le moratoire et solliciter des fonds supplémentaires. (Cette réunion sera organisée par le PNUD, le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique, l’Institut Henri Dument à Genève et l’Initiative norvégienne sur les transferts de petites armes.) Nous continuerons également de préconiser l’apport d’informations aux fabricants d’armes et la réglementation de leurs activités afin d’assurer le respect total du moratoire.

La Norvège continuera de soutenir et de promouvoir l’action internationale concrète contre les petites armes. Pour illustrer nos efforts, je tiens à signaler que nous allons, en collaboration avec le Mali, organiser un atelier sur les armes légères au cours de la Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à Genève en novembre. Cet atelier sera axé sur les aspects du droit humanitaire international liés à la prolifération incontrôlée des armes légères.

Le lancement du PCASED en vue de faciliter la mise en œuvre du moratoire constituera une étape décisive dans la vie de millions d’Africains de l’Ouest. Mais sa signification dépasse largement le cadre de cette sous-région. En effet, le fléau de l’accumulation et de l’utilisation incontrôlées des armes légères s’est propagé de pays en pays. Nulle part dans le monde cependant, des Etats n’ont accepté d’appliquer des remèdes aussi pratiques et d’aussi grande envergure qu’en Afrique de l’Ouest. Le moratoire de l’Afrique de l’Ouest et le PCASED constituent donc des exemples historiques pour les autres pays, en Afrique ou ailleurs. Je suis convaincue que les décisions des pays de la CEDEAO ont créé un élan qui suscitera des actions similaires dans d’autres régions du monde. J’ai rencontré plusieurs ministres des Affaires étrangères qui envisagent maintenant de relever le défi dans leurs régions respectives.

Soyez assurés que le gouvernement norvégien continuera de suivre attentivement votre courageuse initiative et que nous sommes prêts à soutenir vos efforts futurs.

Je vous remercie de votre attention.